RYTHMES SCOLAIRES : LES MAIRES ONT-ILS LE DROIT DE DÉSOBÉIR À UN DÉCRET ?

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Que risquent les maires récalcitrants ? 

Décryptage d’un point juridique au cœur de l’actualité. Aujourd’hui, retour sur la désobéissance annoncée de certains édiles à la semaine de quatre jours et demi.

Ce mercredi, une quinzaine de maires de l’Essonne manifesteront devant la préfecture à Evry. Certains, dont le médiatique élu de Yerres Nicolas Dupont-Aignan, annoncent même qu’ils cadenasseront leur école, pour protester contre la réforme des rythmes scolaires 

En avril, le sénateur-maire UMP de Toulon Hubert Falco prévenait déjà sur BFM-TV, argument juridique à l’appui: «Je ne mets pas hors la loi ; c’est un décret.» Les maires ont-ils le droit de ne pas appliquer la loi ou de désobéir à un décret ? La question s’était déjà posée lorsque des maires UMP avaient annoncé qu’ils ne célébreraient pas de mariage gay…

«LE POUVOIR RÉGLEMENTAIRE S’IMPOSE COMME LA LOI»

«Loi ou décret, dans tous les cas, le refus d’ouvrir l’école de la ville le mercredi matin est illégal, martèle Géraldine Chavrier, professeur de droit public à la Sorbonne et avocate à la Cour. Certes, la décentralisation donne une certaine indépendance aux élus locaux. Mais le maire a l’obligation de faire exécuter la loi. Que la réforme des rythmes scolaires soit passé par décret n’y change rien : le pouvoir réglementaire du Premier ministre s’impose aux collectivités, au même titre que la loi.»

L’article 72 de la Constitution prévoit que le préfet a la charge «du contrôle administratif et du respect des lois». Le préfet peut-il alors ouvrir de force une école, comme l’a affirmé Najat Vallaud-Belkacem lors d’un déplacement dans un collège à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) ? «La question est très compliquée même pour nous, juristes», tempère Géraldine Chavrier. Car si l’école est un service public qui relève de l’Etat, les bâtiments scolaires, eux, sont la propriété de la commune. «Le maire qui refuse d’ouvrir une école le fait-il en tant qu’autorité de l’Etat ? Dans ce cas, le préfet peut se substituer à lui, poursuit la juriste. Ou le fait-il en tant qu’autorité décentralisée ? Dans ce cas le préfet ne peut rien faire : c’est à mon avis le cas dans l’affaire des rythmes scolaires. La loi prévoit que le préfet se substitue au maire dans ses pouvoirs de police ou dans l’élaboration des documents budgétaires par exemple. Mais rien n’est prévu dans les textes pour le cas de l’ouverture des écoles…»

L’incertitude va plus loin. A qui les personnels communaux qui travaillent à l’école doivent-ils obéir ? Au maire, leur employeur direct ? Ou au directeur d’école, qui a aussi autorité sur eux, comme l’a rappelé le Conseil d’Etat en 1992 ?

SUSPENSION POSSIBLE

Mais que l’école soit finalement ouverte ou fermée, les maires récalcitrants risquent gros. Le préfet peut, d’une part, décider de les sanctionner, après avoir entendu leurs justifications, et en motivant sa décision. Si les révocations sont rarissimes, les maires peuvent en revanche être suspendus. Ainsi, en 2004, Noël Mamère avait été suspendu un mois par décision préfectorale après avoir célébré le mariage de deux hommes. Mais les parents ont aussi un recours juridique. Des Marseillais ont ainsi déposé un référé (une procédure d’urgence) devant le tribunal administratif. Ils ont le choix entre deux fondements juridiques : le référé suspension (pour suspendre la décision du maire de fermer l’école), ou le référé liberté (pour empêcher les maires de faire obstacle à la liberté d’enseignement). (1) Et on ne parle pas des éventuelles sanctions infligées aux prochaines élections municipales. 

(1) Contrairement à ce que nous indiquions dans une précédente version de ce décryptage, l’article 432-1 du code pénal, qui prévoit «cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende»à l'encontre «d'une personne dépositaire de l’autorité publique» qui prendrait «des mesures destinées à faire échec à l’exécution de la loi » ne s'applique pas dans le cas des maires hostiles à la réforme des rythmes scolaires puisqu'elle se fonde sur un décret et non sur une loi. Cette sanction peut en revanche s'appliquer à un maires qui ne refuse de marier un couple de même sexe.

Sonia FAURE in Libération 

 

In le Parisien :  

Estrosi veut vendre la maison de la rectrice. Puisqu'on lui impose de nouvelles dépenses avec la réforme, Christian Estrosi déloge la rectrice de l'académie. Le député-maire UMP de Nice (Alpes-Maritimes) annonce la mise en vente de la villa louée par cette dernière à la ville. Il faut dire qu'une telle transaction immobilière permettrait de récolter une somme rondelette. Cette villa, nommée Beluga, d'une superficie de 583 m2, située dans le quartier huppé de Cimiez et louée 5169 € par mois, «est estimé par France Domaine à 2,7 millions d'€», selon Christian Estrosi.


Un maire et ses adjoints réduisent leurs indemnités. C'est ce qu'on appelle avoir le sens du sacrifice. Jean-Yves Penet, maire SE de Bilieu (Isère), et ses adjoints ont décidé de réduire leurs indemnités de 40% afin de financer les nouvelles activités mises en place dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires. Un poste d'adjoint a, en outre, été supprimé. «C'était un engagement de campagne. On avait dit qu'on baisserait nos indemnités et que ces sommes seraient affectées aux activités périscolaires», explique Jean-Yves Penet. Selon lui, «cela permet d'économiser environ 25 000 € sur l'année, sachant qu'on a estimé à environ 30 000 € le coût des activités périscolaires».