Intervention du député Alfred MARIE-JEANNE lors de la discussion générale du projet de loi sur la transition énergétique
Madame la Présidente,
Madame la Ministre,
Collègues de l’Assemblée,
« La transition énergétique pour une croissance verte », tel est l’intitulé du projet de loi que nous avons à examiner.
L’objectif à atteindre est clairement défini.
Tout le corps du texte est truffé de recommandations-sommations du genre « maîtriser et ne pas induire d’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, … ».
Madame la Ministre, vos récentes déclarations sont venues conforter en tous points votre démarche jusque-là rectiligne.
C’est ma première remarque.
Ma deuxième remarque porte sur un constat et une accusation.
Le constat classe la Martinique au dernier rang de la production d’énergies renouvelables.
En effet, son taux de dépendance aux énergies fossiles tournerait autour de 96%. Dans ce cas, tout nouveau projet remplaçant une énergie fossile par une autre énergie fossile n’est certainement pas la solution à retenir.
Les coupables désignés, sont les collectivités d’alors qui n’auraient pas été suffisamment réactives, vigilantes et audacieuses.
C’est une accusation sans fondement.
Et je donnerai un seul exemple parmi tant d’autres :
C’est le projet de production d’électricité à partir de l’énergie thermique des mers. C’est suite à un appel d’offres international, lancé par le conseil régional de l’époque, que ce projet a vu le jour. Le promoteur Nicholson s’était engagé, documents à l’appui, à produire gratuitement dans un premier temps les 10 premiers mégawats. Le gouvernement et EDF ont mis leur veto. Le promoteur a dû plier bagage. Que ce dossier, que l’on avait torpillé, pas vous Madame la Ministre !, soit repris aujourd’hui, je ne peux qu’acquiescer, à condition que les résultats soient probants et pas prohibitifs.
Il existe un deuxième projet baptisé mix-énergétique biomasse-charbon, celui- là, est par contre un leurre et une aberration.
En effet, tous les documents officiels consultés expriment de la réserve, voire de la méfiance. C’est ainsi, écoutez bien ! que le rapport d’enquête public stipule et je cite : que « le charbon sera le principal combustible de cette unité de co-génération.»
C’est un déni de logique d’autant plus malvenu que son lieu d’implantation et donc d’émissions de gaz mortifères se trouve sur la trajectoire des vents alizés soufflant de la côte vers l’intérieur des terres. On ressuscite un projet qui avait déjà été recalé. Il serait dommage de soutenir un projet aussi dommageable.
Comment peut-on vouloir classer cette mixture délétère dans la catégorie des énergies renouvelables !
Madame la Ministre, le show médiatique donné en Martinique lors de votre visite par les porteurs ce projet, est consternant.
Madame la Ministre, vous êtes une personne avisée, je veux croire que l’on a cherché à abuser de votre bonne foi.
Ce projet n’est même pas amendable, il avance à reculons.
Le maintenir serait donné un coup de chaud supplémentaire à la planète dont les dégâts dévastateurs sont déjà à nos portes.
Ma troisième remarque concerne le fait que les outre-mer se trouvent dans des zones non inter connectées.
Ce point est considéré comme un handicap majeur pour lequel il n’y aurait pas de solution de rechange.
ZNI par rapport à qui !
Là encore c’est faire l’impasse sur les projets de développement de la géothermie avec nos voisins de la Caraïbe.
Citons celui de la Dominique, île qui possède une indéniable potentialité en ce domaine.
La France s’était engagée puis s’est retirée. Elle s’est réengagée puis elle s’en est allée définitivement portant ainsi préjudice au projet d’interconnexion électrique qui desservirait par câbles sous-marins la Guadeloupe et la Martinique.
D’autres pays se sont alors mis sur les rangs. La Nouvelle Zélande vient de signer avec la Dominique et aussi avec Sainte-Lucie, autre île voisine, des accords de coopération en matière de géothermie.
Au nom de quel principe ou de quel dogme devons-nous rester recroquevillés sur nous-mêmes !
Avant de conclure je voudrais à nouveau attirer votre attention sur les Zones Economiques Exclusives, ces fameuses ZEE complètement occultées dans ce débat.
A ce propos, dans son document intitulé « Le défi maritime français », le président de la république a souligné la volonté de la France de faire de la mer un enjeu majeur de la croissance économique.
Je réitère donc ma proposition du 12 juin 2012, ici même, en faveur d’une redistribution des responsabilités et des ressources en vue du développement endogène.
A cet effet, au moment même où nous opérons une « transition institutionnelle » vers la future Collectivité de Martinique, je propose, que les compétences définies par les articles L.611-31 et L.611-32 du Code Minier, soient étendues bien au-delà du Domaine Public Maritime et qu’elles intègrent la ZEE de la Martinique.
Madame la Ministre,
Martinique « île durable », telle est l’intention affirmée. Pour la concrétiser, pour qu’elle soit une chance, comme vous l’avez martelée, encore faudrait-il qu’il y ait une cohérence appropriée.
Paris le mercredi 1er octobre 2014
Alfred MARIE-JEANNE