Alfred Marie-Jeanne demande l'ouverture de vraies discussions
M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne.
M. Alfred Marie-Jeanne. Il est des sujets qui peuvent fédérer et appeler au consensus. C'est le cas de la défense de notre planète pour stopper sa dégradation continue. Pour autant, il ne faut pas se voiler la face. Devant l'amorce d'une mutation à grande échelle concernant tous les domaines, de l'économique à l'institutionnel, il convient de rappeler que le développement est un tout indissociable, dont l’écologie est partie intégrante. On ne saurait y déroger.
C’est cette préoccupation qui est au coeur du schéma martiniquais de développement économique, lequel ambitionne de valoriser notre patrimoine naturel, tout en le protégeant. Dans un contexte insulaire et tropical, sur un territoire restreint, contraint, exposé, à forte densité de population, on ne peut faire autrement. Terres souillées en même temps que dilapidées, eaux infectées, mangroves inquiétées, rivages menacés, biodiversité entamée, santé affectée : tel est le constat affligeant.
De même, dans le cadre d'une gestion durable de la ressource, les sols, les sous-sols, la mer, le soleil, le vent, sont inscrits dans ce schéma comme autant de potentiels de richesses et d'emplois, actuellement peu valorisés.
Notre démarche s'est voulue globale et cohérente. À cet effet, une lumière crue a été projetée sur les contraintes multiformes rencontrées. Techniques, juridiques, financières, politiques, ces contraintes sont à lever pour mettre la Martinique sur les rails du développement.
En attendant les changements qui s'imposent d'eux-mêmes, voici d'ores et déjà ce qui a été entrepris : en partenariat avec le Bureau de recherches géologiques et minières, exploration des eaux souterraines pour répondre aux éventuelles pénuries lors des périodes de sécheresse annoncées ; mise en place d’aires marines pour protéger la ressource et les écosystèmes ; recherches sur de nouvelles techniques culturales plus respectueuses de l’environnement ; lancement en 2005, par le conseil régional, dans ce cas aussi, d’une étude sur l’énergie marine, qui donnera lieu à expérimentation, en particulier sur les différentiels de gradients de température, avec EDF et un opérateur américain.
Mentionnons encore le projet Net-Biome en cours de réalisation, qui vise à protéger et valoriser la biodiversité, en partenariat avec l’Union européenne ainsi qu’avec six autres régions ultrapériphériques : la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, et des pays de la Caraïbe. La région Martinique sera chef de file pour élaborer la base de données, l’objectif étant de faire de la biodiversité l’un des piliers du développement dans nos pays en biotechnologies, pharmacopée, exploitation des sous-sols.
Dans le même ordre d’idée, il est envisagé avec l'ensemble des pays de la Grande Caraïbe, un programme de recherches autour de la mer en matière de biotechnologie, de sécurité marine, d'énergie, avec transferts mutuels des savoirs et des savoir-faire.
Concernant le risque sismique, une prime régionale parasismique a été créée et un plan de formation de tous les acteurs du bâti fonctionne depuis quelques années.
Ce tableau, qui n’a rien d’exhaustif, prouve que la diversification de l’économie est possible dans le cadre d'échanges régionalisés et mondialisés.
Dès lors, les trames vertes et les trames bleues prévues dans le texte, ne se conçoivent, pour nous, que dans le cadre régional, géographie oblige.
Aussi faudrait-il, tout naturellement, procéder à un transfert des compétences d’État permettant l'exploration et l'exploitation des sous-sols terrestres et marins et assurant la maîtrise de la zone économique exclusive et permettre à la région de fixer les règles relatives à l'assiette, aux taux et aux modalités de recouvrement des redevances spécifiques à ces secteurs.
La mutation écologique, irréversible, oblige à d’autres mutations qui doivent se traduire par de nouvelles compétences institutionnelles, une fiscalité adaptée et des transferts de pouvoirs.
Au lieu d’y procéder, on nous renvoie à l’article 73, alinéa 3, de la Constitution, selon lequel les collectivités d’outre-mer « peuvent être habilitées par la loi à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi. »
Cette habilitation dépend en fait du bon vouloir du Gouvernement.
Par exemple, nous avons plaidé plusieurs fois pour la mise en place d'une autorité unique multimodale de transports, maritimes et terrestres. Elle s’impose dans le cadre du projet actuel. Pourtant, notre plaidoirie est restée vaine jusqu'à présent.
Quant aux relations internationales dans notre zone géographique, tout transfert de compétence est expressément écarté.
Et dans le domaine des activités extractives, les produits du sous-sol extraits chez nous sont considérés, dans le code minier, comme « extraits du territoire français métropolitain » !
En conclusion, nous sommes au regret de constater, que, une fois de plus – une fois de trop - les seules solutions administratives et juridiques qu’on nous propose nous enferment dans le statu quo. Alors que le monde change, quelle absence de perspective face aux défis à relever !
Monsieur le ministre d'Etat, vous avez en charge l'écologie, l'énergie, le développement durable, l'aménagement du territoire. Cette vaste et noble tâche fait de vous le ministre de l'anticipation et de l'adaptation permanentes. Soyez-le également en ce qui concerne les institutions. Cela suppose d'engager, avec les acteurs politiques de Martinique, de vraies discussions dans le respect mutuel. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)