PJL n°3442 pour la
reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages Intervention JPN
15mars2016
Monsieur le Président,
Madame la ministre,
Monsieur le
président de la commission du développement durable, Mesdames et messieurs les
rapporteurs,
Chers collègues,
Le projet de loi relatif à la reconquête de la
biodiversité que nous sommes amenés à discuter ici en deuxième lecture,
souligne le fait qu’après des siècles d’exploitation aveugle et intensive du
monde vivant, notre conscience collective nous interpelle sur l’impérieuse
nécessité de nous réconcilier avec la diversité naturelle, jadis conquise avec
une appétence et une barbarie outrancière.
Aujourd’hui, je veux croire que nous partageons la
volonté de ne plus considérer la biodiversité sous le seul angle des bénéfices
qu’elle procure aux communautés humaines.
Je veux croire, compte tenu de notre impuissance face
à nos propres œuvres dévastatrices sur le vivant, que ce texte répond à l’invitation
à plus d’humilité que nous adresse la nature.
*Je veux aussi croire, que
nous n’entretenons pas l’Hybris humaine selon laquelle légiférer peut inverser
le temps, renverser l’irrévocable, arrêter l’inéluctable, recréer le monde à sa
forme initiale, ou nous affranchir des contraintes naturelles.
Je veux enfin croire, que ce projet de loi n’illustre
pas un énième trompe l’œil, se bornant à polir l’image de la France au regard
des objectifs d’Aïchi à atteindre à l’horizon 2020.
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15mars2016
En outre-mer, notre priorité n’est pas tant que l’Etat
remplisse ses obligations vis-à-vis des instances internationales. Cependant,
l’outre-mer comptant 80% de la biodiversité française, nous sommes les premiers
impactés par l’extinction de la biodiversité. C’est donc à notre niveau qu’il
nous importe que ces responsabilités soient pleinement assumées.
Nos traditions ancestrales et extra-occidentales ont
enraciné en nous, le principe selon lequel la terre n’appartient pas à l’Homme
mais en revanche l’Homme appartient à la terre. Nos peuples ont coutume de
s’appuyer sur les savoir-faire séculaires pour préserver la matrice qui les
accueille et les nourrit. Il s’agit donc, pour nous, de replacer le curseur à
sa place originelle.
Partant de ce postulat, nous avons régulièrement
interpellé les gouvernements successifs, au sujet des activités humaines
prédatrices ou relevant de la piraterie écologique, mais aussi au sujet des
phénomènes naturels ou climatiques qui menacent quotidiennement la diversité
terrestre et marine dans les outre-mer.
Sans jamais prétendre incarner des parangons de
l’écologie, nous avons très tôt dénoncé les monocultures intensives,
l’utilisation massive de certains phytosanitaires ou de pesticides par épandage
aérien, les déversements industriels dans les rivières, l’urbanisation et la
privatisation incontrôlées des mangroves et du littoral, la déforestation,
l’exploitation sauvage des carrières ou des mines, et le non-respect de la
continuité écologique.
Nous avons constamment alerté les autorités
compétentes au sujet de l’introduction d’espèces menaçantes pour nos espèces
endémiques, de l’invasion de nos écosystèmes par des spécimens exogènes, du
dérèglement de la chaîne alimentaire, et du pillage de nos ressources végétales
et animales rares.
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15mars2016
Nous nous sommes élevés contre l’immersion des vieux navires
dans nos mers, les essais nucléaires dans nos lagons, la raréfaction de notre
ressource halieutique et la fragilisation de nos habitats et écosystèmes par
truchement de multiples vecteurs mortifères.
Nous n’avons eu de cesse de dénoncer les dérogations
illégitimes accordées. Manifestement, en dépit du scandale avéré de la
chlordécone, l’Etat ne donne pas le sentiment d’avoir tiré les enseignements du
passé, puisqu’il se met à promouvoir aujourd’hui en Martinique, une usine à
combustion bagasse-bois torréfié alors que la France a elle-même tourné le dos
à ces technologies polluantes.
Par le passé nous n’avons été ni consultés, ni
écoutés, et selon l’influence des contrevenants à la loi, cette dernière a été
tantôt trop bavarde pour être audible, tantôt permissive à l’excès, tantôt
sourde et silencieusement méprisante, tantôt carrément aphone.
Aujourd’hui, puisque même tardivement l’oreille s’y
prête, puisque que le Premier ministre lui-même prône « L’Exigence » ;
Devant l’exigence écologique :
- Nous exigeons d’être entendus et revendiquons, une
place prépondérante dans les décisions notamment celles qui ont trait à l’accès
aux ressources et au partage des avantages tirés de la biodiversité.
- Nous prétendons, par le biais de notre présence au
sein des agences et délégations dédiées à la préservation de la biodiversité,
sécuriser aujourd’hui et demain, les activités de ceux qui dans nos territoires
vivent quotidiennement de l’exploitation traditionnelle raisonnée et
respectueuse de la biodiversité.
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15mars2016
- Nous exigeons, notre inscription légitime, pleine et
entière au cœur des instances qui régiront notre biodiversité, afin de mieux la
protéger selon des schémas cohérents avec nos intérêts territoriaux.
Dans ces conditions, et dans ces conditions seulement,
vous pourrez acter notre adhésion à ce texte.
Car dans ces conditions et dans ces conditions
seulement, nous pourrons espérer démentir la prophétie du philosophe Emil
Michel CIORAN qui déclarait : « En permettant
L’Homme, la nature a commis beaucoup plus qu’une erreur de calcul : un attentat
contre elle-même. »
Je vous remercie.