LE DECRET RELATIF A LA COMPETENCE DES REGIONS D’OUTRE-MER CTG CTM DANS LA GESTION DES TITRES MINIERS ENFIN PUBLIÉ
par Louis BOUTRIN
Attendu depuis plus de 17 ans, le décret n°2018-62 du 2 février 2018 qui fixe les conditions de transfert des compétences de l’Etat vers les Régions d’Outre-Mer et les Collectivités territoriales de Guyane et de Martinique a été publié au JORF le 4 février dernier. C’est une étape décisive qui vient d’être franchie dans l’interminable bras de fer entre l’Etat et les parlementaires & élus des Outre-Mer. En effet, ce décret a pour origine l’article 48, II de la loi n°2000-1207 du 13 décembre 2000 d’Orientation pour l’Outre-Mer (LOOM). Désormais, lesdites Régions et Collectivités concernées sont compétentes pour délivrer des titres miniers en mer concernant l’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures liquides et gazeux et des sites géothermiques.
Durant deux décennies, plusieurs parlementaires d’Outre-Mer étaient montés au créneau pour la mise en œuvre des articles L.611-31 et L.611-32 du Code minier qui prévoient un transfert aux Régions d’Outre-Mer de compétences ayant trait aux titres miniers en mer. Ainsi, en 2002, amendement de la députée Christiane Taubira (Parti Radical de Gauche) visant « à créer une redevance spécifique pour les titulaires de concessions de mines d’hydrocarbures situées en mer ». En octobre 2010, la députée guyanaise demande que le nouveau Code minier soumette à autorisation les recherches en hydrocarbures en mer. En avril 2014, nouvelles initiatives de la délégation sénatoriale à l’Outre-Mer présidée par le sénateur Serge Larcher à travers un rapport d’information sur les ZEE ultramarines. Enfin, le 1er octobre 2014, intervention du député Alfred Marie-Jeanne dans le cadre de la discussion générale relative au projet de loi sur la Transition énergétique, puis le 16 juillet 2015 dans
le cadre du projet de loi relatif à l'actualisation du droit des Outre-Mer. Le député de Martinique propose que les compétences définies par les articles L.611-31 et L.611-32 soient étendues bien au-delà du Domaine Public Maritime (12 milles marin) et qu’elles intègrent la Zone Economique Exclusive de la Martinique (200 milles marin).
Or, l’article L.611-33 du Code minier subordonne ce transfert de compétences de l’Etat vers ces Collectivités situées en Outre-Mer à la prise d’un décret en Conseil d’Etat. Faute d’adoption de ce décret, en octobre 2014, la Région Guyane avait saisi le Conseil d’Etat qui avait fait droit à sa requête mais également enjoint le Premier Ministre de prendre ledit décret d’application dans un délai de six mois à compter de sa décision. En l’absence de réponse du Gouvernement, il a fallu attendre une nouvelle décision du Conseil d’Etat le 27 juillet 2016, mais assortie cette fois d’une astreinte de 5.000 € par jour de retard, pour que le gouvernement se décide, enfin, à exécuter l’arrêt de la Haute juridiction administrative.
Ainsi, ce décret du 2 février 2018 vient fixer les conditions particulières applicables aux compétences des Régions de Guadeloupe, La Réunion, Mayotte et Collectivités territoriales de Guyane & de Martinique tant sur le domaine public maritime que sur la ZEE et le plateau continental (350 milles). Sont concernés : Les permis exclusifs de recherche de mines d’hydrocarbures liquides et gazeux, les permis exclusifs de recherche et de concession de gîtes géothermiques à haute température, les permis exclusifs de recherche et de concession de substances minérales ou fossiles, les concessions de mines, les permis d’exploitation de mines et les autorisations de recherche d’hydrocarbures liquides ou gazeux. Sont exclues les autorisations portant sur des minerais ou produits utiles à l’énergie atomique.
La promulgation récente de ce décret constitue une nouvelle opportunité pour les Collectivités d’Outre-Mer concernées. Elle permettra d’inclure la Zone Economique Exclusive dans le champ de leurs compétences, d’établir des formations aux activités générées par les ressources du domaine public maritime et de la ZEE et de mettre en œuvre un projet politique qui répond à une double exigence. D’abord, l’évaluation rapide des stocks de ressources minières et des retombées économiques et sociales. Mais aussi, l’intégration de la gestion de la mer et du littoral dans un projet global de développement. Reste l’exigence de cohérence juridique entre ces orientations politiques et les dispositifs législatifs et règlementaires actuels.
En l’espèce, on attend toujours la traduction de l’article 47 de la loi n°2000-1207 du 13 décembre 2000 d’Orientation pour l’Outre-Mer relatif au transfert de compétences en matière de gestion et de conservation des ressources biologiques de la mer pour la pêche maritime. Ces compétences pourraient être exercées par les Régions d’Outre-Mer et les Collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, sous réserve des engagements internationaux de la France. Faute de décret d’application, ces compétences ne sont toujours pas transférables et demeurent étatiques.
L’enjeu pour les Collectivités situées en Outre-Mer n’est donc pas de renoncer aux richesses halieutiques et minières de leurs fonds marins mais bien de disposer d’outils juridiques leur permettant d’accompagner à la fois la transition énergétique, la nécessaire mutation des pratiques de pêche et le développement d’une économie bleue.
En clair, il s’agit d’intégrer le traitement juridique à notre singularité territoriale et de faire de la mer, un enjeu majeur du développement économique de nos régions.
Louis BOUTRIN
Docteur en Droit – Avocat