Cimeline Rangon : disparition d’une grande figure martiniquaise
Mardi, novembre 4, 2008 - 03:37
Cimeline Rangon, l’une des plus grandes voix féminines du bèlè, musique martiniquaise a été inhumée lundi 3 novembre 2008 au cimetière de Sainte-Marie.
La mort de Cimeline Rangon fut l’objet du dernier et bref reportage consacré aujourd’hui par la principale chaîne locale. C’est dire le peu d’importance que les martiniquais apportent à la disparition de cette figure majeure du chant, de l’improvisation et de la poésie créoles. Mais il est vrai que dans nos obscures Outre-mer, les Unes des journaux ne sont généralement réservées qu’aux personnages illustres ayant reçu des titres ou autres médailles de l'État français.
Marchande de son état, héritière d’un savoir-dire et d’un savoir-faire ancestral Cimeline a participé à la reconnaissance de la musique martiniquaise. Fière héritière, improvisatrice hors pair elle a œuvré pour la reconnaissance du bèlé, un rythme né de la résistance au système esclavagiste.
Véritable personnage, cette femme au corps et à la voix libres du joug colonial a porté grâce à son charisme la langue et la culture créoles au-delà de l’asservissement.
Ce lundi 03 novembre, grâce au rassemblement des tambouyés et des musiciens, le cortège accompagnant le corps à sa dernière demeure a su retrouver une empreinte créole.
Si nous revenons en arrière, nous constatons que dans le système habitionnaire, les religieux et les chroniqueurs s’étonnaient des étranges coutumes funéraires des nègres. La musique et les chants étaient omniprésents lors du décès d’un nègre sur l’habitation. Non pas du chant lyrique mais une musique rythmée au son du tambour et de la voix qui permettait d’exprimer la philosophie, l’identité et la symbolique créoles.
Les membres de la communauté signifiaient ainsi au mort qu’ils lui rendaient l’hommage auquel il avait droit en le représentant à travers la fonction sociale qu’il a eue dans le groupe.
Manifestement, les anciens ne vivaient pas dans la crainte de la mort parce qu’elle n’accordait pas un rôle aussi important à l’individualisation de la personne. Les rites funéraires créoles d’antan permettaient d’apprivoiser la mort et de glisser le drame de la mort du plan du réel au plan imaginaire (déplacements, symboles, métaphores), de réorganiser la société que la mort perturbait mais aussi de consoler les survivants même quand on croyait servir le défunt.
Simeline Rangon s’en allée dans une dignité créole, loin des discours et de la reconnaissance politicienne. Les grands grecs locaux ignorant sans nul doute de la notion même de patrimoine immatériel.