LOUIS BOUTRIN : LA VÉRITÉ SUR L’EAU POTABLE

La campagne électorale pour la CTM bat son plein avec son lot de promesses démagogiques et de contre-vérités. L’épineuse question de l’eau potable n’y échappe pas.  Introduite de manière pernicieuse lors des débats sur les principaux médias, elle cristallise toutes les protestations contre la CTM qui est régulièrement mise à l’index. Louis BOUTRIN, Président de MARTINIQUE-ÉCOLOGIE et candidat sur la liste du GRAN SANBLÉ POU MATINIK s’élève contre cette instrumentalisation de l’opinion et apporte son éclairage. Des révélations qui risquent de déranger plus d’un.  

 

LTA : Pourquoi parlez-vous de désinformation sur la problématique de l’eau ?

 

Louis Boutrin : La désinformation de l’opinion est réelle et atteint des sommets quand, de manière répétitive, des médias officiels relayent allègrement des contre-vérités sans véritablement chercher à éclairer les citoyens. Pour autant, cette période électorale aux enjeux cruciaux pour le pays ne nous dispense pas d’avoir un minimum d’honnêteté intellectuelle et de préciser à la population que la distribution de l’eau aux abonnés, l’assainissement et le traitement des eaux pluviales urbaines ne relèvent pas des compétences de la CTM mais bel et bien de celles des trois communautés d’agglomération.

Donc, en aucun cas, la situation calamiteuse de pénurie d’eau ne peut être attribuée ni à la CTM, ni à Alfred MARIE-JEANNE mais aux responsables des 3 EPCI à savoir messieurs Bruno Nestor AZEROT, André LESUEUR et Luc-Louison CLÉMENTÉ. Ils ont la responsabilité d’assurer la distribution d’une eau de bonne potabilité, à chaque foyer martiniquais et durant toute l’année, y compris en période de carême s’ils font les investissements nécessaires à l’exploitation des eaux souterraines. 

Nous devons donc avoir cette exigence de clarté et expliquer à la population simplement les faits : Quand une Collectivité, à l’instar de la CTM, ne détient pas une compétence, la loi ne l’autorise pas à décider et à investir en lieu et place des autres collectivités, au risque de se voir rejeter la dépense par le Trésorier Payeur Général. Les Martiniquais sont suffisamment corticalisés pour comprendre cela. Encore faut-il qu’ils en soient informés et que les politiques ne passent leur temps à feindre d’ignorer cette réalité.

 

LTA : Oui mais, pourquoi la canalisation de Séguineau n’est-elle toujours pas rétablie depuis 2009 ?

 

Louis Boutrin : Séguineau, c’est une injure à l’intelligence martiniquaise. Laisser accroire que la seule canalisation de 800 mm serait à l’origine des dysfonctionnements actuels dans la distribution de l’eau c’est prendre les Martiniquais pour des imbéciles.  Laissons de côté ces propos tenus par les principaux candidats qui, faute de propositions crédibles, en ont fait leur argument de campagne électorale de manière intempestive notamment lors des plénières de l’Assemblée de Martinique qu’ils ont transformé en Muppet Show.

En réalité, depuis la pose d’une 4ème canalisation provisoire de 250 mm par la CTM en mai 2020,  le volume d’eau acheminé de l’usine de production de Vivé jusqu’au réservoir de Cosmy est strictement identique. Et, s’il fallait indemniser le propriétaire Bally à hauteur de 225.000 € comment pourrait-on refuser une indemnisation des autres propriétaires ? N’oublions pas que les canalisations traversent  45 propriétés sur près de 25 Kms de réseaux. Faites vous-même le calcul et vous comprendrez que le sujet ne peut se régler à coups de YA KA ou de ANNY FÈY !

 

LTA : Comment en sommes-nous arrivés à un tel chaos ?

 

Louis Boutrin : L’accès à l’eau est un droit universel et c’est pour cela que les politiques qui ont la compétence doivent garantir l’accès à l’eau pour tous à un prix économiquement abordable. Pas à ces tarifs prohibitifs qui étranglent les plus défavorisés d’entre nous ! L’eau distribuée au robinet est la plus chère de France, les Outre-Mer compris.  C’est inacceptable !

Et, ce chaos que vous relevez reflète très bien la situation de l’eau en Martinique où on a assisté à une démission de certains maires et surtout à des pratiques de corruption jamais réprimées. Les investissements nécessaires à la production, au stockage et à la distribution de l’eau potable n’ont pas été réalisés et aujourd’hui nous payons collectivement l’incurie des maires qui avaient le pouvoir décisionnel à l’époque. N’ayons pas la mémoire courte sur l’eau et rappelons que durant des décennies, on a distribué à la population une eau gorgée de chlordécone et ni les maires, ni l’ex-DDASS qui en avaient respectivement la responsabilité et le contrôle de la qualité ne faisaient les analyses nécessaires.  

 

LTA : Peut-on pour autant parler de corruption de certains élus ?

 

Louis Boutrin : En Guadeloupe, après la plainte du Comité des usagers de l’eau, Amélius HERNANDEZ, l’ex-président du SIAEAG a écopé de 3 ans de prison (dont 2 avec sursis), 150.000 € d’amende et 649.000 € de dommages intérêts pour détournement de fonds publics et non respect dans l’attribution des marchés publics de l’eau.

En Martinique, sur le fondement du rapport d’observations définitives de la Chambre Régionale des Comptes (CRC) en date du 20 octobre 2016, le Front Républicain d’Intervention contre la Corruption (FRICC) et l’Association Française contre le Contrat Mondial de l’Eau (ACME) ont porté plainte contre la Société Martiniquaise des Eaux (SME), titulaire d’un contrat de délégation de service public.  Quand les élus confient à une seule société privée la gestion de l’eau de 30 des 34 communes, ils contribuent à renforcer sa position dominante avec tous les abus qui ont d’ailleurs fait l’objet en 2002 d’une plainte du Conseil de la Concurrence.

Dans leur plainte pénale auprès du Procureur de la République, le FRICC et l’ACME affirment que les faits relevés par la CRC sont constitutifs d’un détournement de fonds publics, délit réprimé par l’article 432-15 du Code pénal. A ce jour, personne n’est inquiété et nous ne sommes pas informés par ceux-là même qui en ont la mission.

Par contre, quand il s’agit d’incriminer à tort la CTM à travers un tapage médiatique savamment orchestré autour de Séguineau, tout le monde s’en donne à cœur joie. Chercherait-on à faire diversion et à dédouaner les véritables responsables de ce chaos ?

 

Que proposez-vous pour garantir l’eau au robinet de chaque Martiniquais ?

 

Louis Boutrin : Nos propositions sont claires : Un prix unique de l’eau à un coût économiquement plus abordable pour tous les abonnés. Cela suppose au préalable un changement dans la gouvernance de l’eau et un financement public. La création d’une Régie publique de l’eau, à l’instar de Paris et des villes, Grenoble, Brest, Rennes, Montpellier, qui ont eu le courage politique de ne pas renouveler les contrats d’affermage avec les mastodontes qui se partagent le marché mondial de l’eau. Cette décision que les élus de CAPNORD, BN AZEROT en tête, rechignent à mettre en œuvre, nous permettra de sortir des logiques mercantiles des fermiers, de faire les investissements pour remplacer les canalisations, pour moderniser les usines de production et financer les réservoirs et les surpresseurs. Pour info. les contrats d’affermage avec la SME arrivent à échéance en 2026.

Quant aux surcoûts de l’eau liés au traitement au charbon actif pour filtrer les molécules de Chlordécone, ils doivent être pris en charge par l’État puisque le Président MACRON a reconnu la responsabilité de l’État dans cette scandaleuse pollution. C’est d’ailleurs, la proposition d’Alfred MARIE-JEANNE dans une lettre commune avec les présidents des 3 EPCI à l’attention du Président de la République.

La création d’une Régie publique de l’eau pourrait se concevoir en concertation avec les 34 maires et les 3 présidents des EPCI. L’instauration d’une Chambre des Territoires ainsi que les Conventions de Territoires proposées par le GSPM constituent des espaces propices à la concrétisation de cette volonté politique.

De telles perspectives devraient alimenter concrètement les débats actuels. Car, il est temps d’arrêter la pollution médiatique durable sur un sujet aussi sensible que celui de l’eau potable, qui génère autant de souffrances chez les Martiniquais et qui méritent donc une hauteur d’esprit.