Marina du Marin – Vendredi 20 oct. 2022. Plusieurs acteurs économiques et personnalités politiques avaient répondu à l’invitation de Martinique-Écologie pour ce Forum-Citoyen autour de l’avenir de la filière des chantiers navals en Martinique. C’est ainsi qu’Arnaud René-Corail, Jean-Michel Gémieux et Georges Cléon respectivement maires des Trois-îlets, de Sainte-Anne et du Vauclin ainsi que Berthe Viellet et Chantal Allaguy Salachy deux adjointes au Maire de Sainte-Luce et du Marin ont marqué de leur présence cette heureuse initiative.
La soirée a débuté par une visite à quai du 3 mats Le Toumelin qui permis d’apprécier l’immense travail de rénovation réalisé par Mme Danielle Brenet et son fils Johann, à travers notamment un chantier atelier d’insertion où 14 jeunes martiniquais du Centre de formation de Trinité (EFPMAP – École de Formation Professionnelle Maritime et Aquacole de Martinique) ont pu découvrir les contours du métier de réparation navale. L’aménagement intérieur est quasiment terminé et mis en valeur par un bois d’acajou issu des forêts du Gros-Morne. Vu de l’extérieur, on a du mal à imaginer la beauté de la cabine qui conjugue élégance et raffinement. Dans l’attente d’un financement de fonds européens, les Brenet devraient terminer les derniers travaux du pont supérieur de cette goélette, seul navire inscrit au titre de Monument historique des Outre-Mer.
De retour à la Marina du Marin, Louis Boutrin a remercié Eric et Simon Jean Joseph pour leur accueil enthousiaste ainsi que tous ceux qui ont contribué à la réalisation de ce Forum-Citoyen. Puis le Président de Martinique-Écologie a rappelé l’évolution du contexte règlementaire depuis la dérogation obtenue auprès de Bruxelles qui interdisait jusqu’alors tout financement public pour la construction de navires de pêche neufs. Une avancée qui laisse augurer des perspectives favorables en termes de développement d’une véritable filière en Martinique pour la réparation et la construction de navires de pêche.
A cet effet, l’exposé de Thierry Thélamon, ingénieur et représentant le chantier naval du Diamant, fut plutôt rassurant. En dépit de la crise économique et des difficultés actuelles du secteur pêche, cet atelier bénéficie d’une expérience de père en fils et d’un savoir faire qui devraient permettre son expansion et la création d’une dizaine de navires par an avec à la clé une vingtaine d’emplois de jeunes martiniquais. Situé à O’Mullane, en bordure du littoral de Taupinière, le chantier diamantinois semble répondre tout à fait à cet ambitieux projet. Un accompagnement public s’avère toutefois indispensable.
Hugues Coco a présenté brièvement le Collectif pêche Martinique (COPEM) qui regroupe plus d’une cinquantaine de marins-pêcheurs sur l’ensemble du territoire, avant de rappeler les objectifs du Collectif en faveur d’une modernisation vers une pêche durable et responsable. S’en est suivie une présentation d’un prototype de navire de pêche innovant de 10 mètres élaboré en étroite collaboration avec des experts de la profession. À l’appui du projet, la nécessité d’une mutation des pratiques de pêche liée à l’impact de la contamination au Chlordécone avec une interdiction de la pêche côtière sur 33% du littoral atlantique depuis octobre 2010. La capacité du nouveau navire à effectuer des marées de 2 à 3 jours, l’installation à bord d’apparaux de pêche hydrauliques réduisant la pénibilité et la compatibilité du navire à deux options de motorisation, diesel inboard et essence hors-bord, constituent autant d’atouts pour le projet du COPEM.
Louis Boutrin qui accompagna les marins-pêcheurs dans une mission d’étude avec visite du chantier naval de la Rochelle a insisté sur la nécessité de développer sur place une véritable filière de construction navale. L’idée d’importer des navires neufs comme s’apprête à le faire une poignée de spéculateurs n’étant pas un choix d’avenir pour la Martinique. Ce projet du COPEM qui arrive à point nommé devrait renforcer l’attractivité de profession après une perte de près de la moitié de l’effectif total du nombre de marins-pêcheurs en moins de 10 ans. Le conseiller territorial insista sur la nécessité d’une rupture dans le modèle économique actuel de la pêche martiniquaise et espère la signature rapide par le Président du Conseil exécutif de la CTM de la Convention avec FranceAgriMer qui finance à 100% la construction du prototype de navire.
Enfin, Johann Brenet a conclu les exposés par l’exemple concret d’une rénovation réussie, celle du trois mats, Le Toumelin, conçu, dessiné et construit par son père, le capitaine Brenet, un navigateur et charpentier de marine. Sa restauration incarne bien la ténacité et la passion d’une famille pour cette majestueuse goélette de 23 mètres. Entre bateau-école, mission d’océanographie en partenariat avec l’Université des Antilles et croisières dans la Mer des Caraïbes, Le Toumelin devrait trouver toute sa place dans le paysage nautique martiniquais.
A l’issue des trois exposés, tous les intervenants et les maires présents ont souligné l’intérêt d’accompagner la filière des chantiers navals ce d’autant que la Martinique demeure un gros consommateur de poissons et qu’à peine 25% du marché actuel est couvert par la production locale. Des parts de marché restent donc à conquérir à condition de ranger au placard les vieux réflexes égoïstes et d’accompagner la mutation en cours dans le secteur de la réparation et de la construction navales.
Le rôle des décideurs n’est-il pas aussi de permettre à la profession de prendre un nouvel élan dans l’intérêt des marins-pêcheurs, des professionnels du secteur et des consommateurs martiniquais ?