La frénésie actuelle des messages sur les réseaux sociaux n’en fait pas pour autant une sorte d’inhérence démocratique où un simple post largement diffusé deviendrait en cette période Pascale parole d’évangile. C’est le sentiment partagé par beaucoup à la lecture de la prose du sieur Chomet qui tente de sortir de l’oubli médiatique au détour d’une prétendue tribune sur la gestion de l’eau dans le Centre. Tout y est : le ton docte, la posture condescendante et le mépris pour le travail des autres, notamment des salariés d’ODYSSI, la Régie Communautaire de l’eau et de l’assainissement. Du Chomet tout craché dans le texte !
En se saisissant du dossier de l’eau pour donner l’illusion aux électeurs Schoelchérois de maîtriser son sujet, le bougre s’est finalement pris les pieds dans le tapis et démontre sa connaissance très approximative d’un dossier aux contours politiques et techniques plus complexes qu’il n’en a l’air.
Alors, pour rompre avec son monopole professoral, il convient de renvoyer Daniel Chomet à quelques questions basiques, histoire pour les béotiens que nous sommes de ne pas mourir ignorants :
Dans son analyse de la situation financière d’ODYSSI, Chomet passe sous silence les retards dans le versement des subventions attendues par la Régie et, fait surprenant, ne prend pas en compte les conséquences de l’absence de transfert du patrimoine du SICSM (Syndicat intercommunal du Centre et du Sud de la Martinique) à la Régie communautaire au moment de sa scission. Pourquoi ?
Or, c’est là une des causes des difficultés comptables et financières qui viennent interférer dans le bon fonctionnement d’ODYSSI et qui mériterait réparation après les maladresses du Préfet de l’époque dans l’arbitrage juridique du transfert de patrimoine des deux usines de production d’eau situées en territoire CACEM. Qu’en pense-t-il ?
S’agissant de la réalisation des nombreux chantiers attendus, Chomet s’appuie sur des allégations erronées au service d’une vision électoraliste très éloignée de la réalité : « Avec seulement 3 salariés de niveau ingénieur travaux, il est impossible pour ODISSY de réaliser les nombreux chantiers sur lesquels on l’attend ! » affirme-t-il de manière péremptoire avant de défoncer des portes ouvertes : « les charges de fonctionnement ne permettent pas à ODISSY de réaliser l’autofinancement pour réaliser ses investissements ».
Chomet qui a siégé des années durant dans les rangs du PPM méconnaitrait-il subitement l’historique de la Régie ODYSSI ? Pourquoi fustiger aujourd’hui un effectif qu’il juge pléthorique « Avec plus de 300 agents pour près de 75 000 abonnés la masse salariale pèse trop lourdement sur les équilibres budgétaires. » alors qu’il a été muet comme une carpe durant toutes ces années-là ? Pourquoi n’a-t-il pas tiré la sonnette d’alarme à l’époque alors qu’à titre préventif, il aurait pu faire entendre raison ou se démarquer ? Et, depuis quand évalue-t-on l’exécution des travaux au nombre d’ingénieurs ?
Même approche condescendante sur l’expérimentation en faveur de la tarification sociale de l’eau. En affirmant, urbi et orbi, que « La Martinique était pourtant en 2015 en avance sur ce sujet de tarifs dégressifs, car elle était la seule région de France, je dis bien LA SEULE, entièrement couverte par la mise en œuvre de cette expérimentation », Chomet travestit l’histoire. La réalité est tout autre !
En effet, l’accès à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables pour tous permettant à la population d’assurer ses besoins essentiels est inscrit dans le Code de l’environnement dès 2006. Depuis lors, les réflexions et actions des élus locaux en faveur d’une politique sociale de l’eau ont trouvé une traduction dans la loi du 15 avril 2013 qui permet aux Collectivités territoriales qui le souhaitent de s’engager dans une expérimentation en faveur des ménages les plus modestes. En complément d’une tarification spécifique pour ces ménages et de l’interdiction des coupures d’eau, cette loi prévoyait une durée d’expérimentation de cinq ans à compter de sa promulgation, prolongée pour trois années supplémentaires. C’est donc près de 47 Collectivités territoriales organisatrices des services d’eau et d’assainissement ou EPCI dont 9 en Outre-mer (Guyane, Martinique, Réunion) qui se sont engagés dans cette démarche et les décrets n°2015-416 du 14 avril 2015 et n° 2015-962 du 31 juillet 2015 fixent la liste de ces Collectivités retenues pour participer à l’expérimentation en vue de favoriser l’accès à l’eau et de mettre en œuvre une tarification sociale de l’eau. (Voir décret en PJ).
Pourquoi tenter alors, de manière subliminale, de s’attribuer la paternité et l’exclusivité (LA SEULE … depuis 2015 !) d’une expérimentation menée par une cinquantaine de Collectivités de France et d’Outre-Mer ? N’est-ce pas là l’expression d’une méconnaissance du dossier ou alors, plus grave, la marque de fabrique du politicien démagogue à la tronche hypertrophiée ?
Une critique simpliste et atavique du Congrès des élus
Quant à ses amalgames sur le Congrès des élus, elles viennent se mêler délibérément à une critique facile qui n’honore pas pour autant un élu de la génération de Chomet : « Pour cela, nul besoin d’un congrès, nul besoin de pouvoir supplémentaire, nul besoin de recourir à une nouvelle organisation au travers de la gouvernance unique de l’eau » !
Critique simpliste et atavique du Congrès qui, curieusement, rejoint le bruit de fond exprimé ici et là et relayé par des politologues ou autres chroniqueurs(es) de service. N’est-ce pas aussi la traduction d’une pensée archaïque, figée, réductrice qui peine à comprendre la société martiniquaise, son évolution et sa soif d’émancipation ? Faut-il y percevoir également une ironie face à l’expression au grand jour d’une jeunesse radicalisée, verticale et prête à bousculer l’ordre établi et le confort d’une certaine classe en panne de vision pour ce pays ?
Sauf à méconnaitre les travaux actuellement menés par les élus de Martinique réunis en Congrès, la problématique de la gestion de l’eau, à l’instar de celle des déchets et des transports publics, mérite des solutions urgentes qui peuvent s’envisager dans le cadre institutionnel actuel. Pour autant, ce préalable ne nous interdit pas d’envisager la gestion de la Martinique autrement en tentant d’apporter des correctifs à un mal-développement qui vide le pays de ses forces vives et qui augmente les inégalités et les injustices sociales.
Pour notre part, en l’état actuel de la répartition des unités de production, de la multiplicité des maîtres d’ouvrage et de la vétusté des réseaux, la gestion de l’eau potable en Martinique ne peut s’aborder uniquement à l’échelle du territoire CACEM. Nous préconisons donc une gestion publique de l’eau à travers un organisme unique pour tout le pays et un prix unique de l’eau, diminué de moitié pour tous. Possible, grâce à une péréquation tarifaire pour l’eau, à l’instar du prix de l’électricité payé en deçà du prix de production par les abonnés. Reste à relever également de nouveaux défis dans nos politiques publiques à venir qui devront nécessairement intégrer la problématique du réchauffement climatique et les épisodes de sécheresse de plus en plus rudes.
Alors, entre une critique simpliste d’une Régie publique en quête de stabilité financière et l’adhésion pieds et mains liés (pour ne pas dire plus !) à une multinationale de l’eau aux pratiques douteuses, notre choix est déjà fait.
Enfin, nous ne pourrions conclure notre questionnement sans oublier la gestion désastreuse du dossier de l’énergie par Daniel Chomet :
Création en grande pompe d’une Agence Martiniquaise de l’Energie (AME), rapidement en faillite financière, dissoute après une gouvernance chaotique et mal structurée pour relever les défis de la transition énergétique. Une SEM-ENERGIE liquidée en 2016 par le Tribunal de Commerce avec un passif de plus d’1 million d’euros entrainant avec elle la liquidation de 6 SAS (sociétés par action simplifiée) et le désarroi des investisseurs. Le tout pour un résultat en matière d’énergies renouvelables (ENR) quasiment nul : 6,3% de pénétration d’ENR dans le réseau électrique fin 2015.
Au total, un bilan calamiteux qui ne nous permet pas d’accorder une once de crédit politique au bla-blateur de Schoelcher.
Di Chomet pa rété la.
Louis Boutrin
Conseiller Territorial
Pdt de MARTINIQUE-ÉCOLOGIE
Post-scriptum – Petite note d’humour :
Comme nous, vous aurez souligné au passage que le Professeur Chomet se prévaut, entre autre, du titre d’« Administrateur à ODISSY ». Pourtant, dans sa Tribune intitulée « ODISSY : Alerte rouge ! », le bougre reproduit 12 fois le nom de la Régie avec la même faute d’orthographe : « ODISSY » au lieu d’ « ODYSSI ». Que faut-il en déduire ?
PJ : Décret n° 2015-416 du 14 avril 2015 fixant la liste des collectivités territoriales et de leurs groupements retenus pour participer à l'expérimentation en vue de favoriser l'accès à l'eau et de mettre en œuvre une tarification sociale de l'eau : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000030483526