L’histoire que nous relatons ici est extraite, en grande partie, du jugement du tribunal et d’un communiqué de presse du 4 août 2006 émanant de la FRAPNA. On y apprend que « la DDASS, qui effectuait un suivi régulier des teneurs de la nappe souterraine en résidus d'atrazine**, un désherbant des champs de maïs très nombreux dans la région, avait prévenu le syndicat intercommunal de la Haute-Bourbre. Ce dernier, qui assure l'assainissement et la distribution en eau potable de 1 100 abonnés sur dix communes, s'était bien gardé d'informer les usagers. De 1999 à 2002, pendant plus de 3 ans, les femmes enceintes et les jeunes enfants ont bu une eau contenant trois fois trop de pesticides sans le savoir. En 2002, l'association locale somme le syndicat de fournir une eau en bouteille tant que l'eau distribuée reste contaminée. Refus ».
Face à l’inertie des autorités administratives pour imposer la prise de mesures correctives, l’UFC-Que Choisir (Union Fédérale des Consommateurs - Que Choisir) et la FRAPNA (Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature) se voyaient contraintes d’engager respectivement une procédure civile devant le Tribunal d’Instance de Bourgoin-Jallieu à l’encontre du Syndicat des Eaux de la Haute Bourbre et une procédure administrative devant le Tribunal Administratif, contre le Préfet de l’Isère.
Ainsi, le 4 juillet 2006, le Tribunal d'Instance a rendu son jugement et condamné le Syndicat des Eaux pour non respect de ses obligations contractuelles d'information et de distribution à ses abonnés d'eau conforme à la réglementation en vigueur. Le juge civil a accordé 800 euros au titre du préjudice individuel à la dizaine de familles plaignantes, et 5000 euros au titre du préjudice collectif à l'UFC-Que Choisir de l'Isère.
Précédemment, le 23 juin 2005, le Tribunal Administratif avait condamné le Préfet pour avoir rejeté la demande de la FRAPNA tendant à ce que l’administration enjoigne au distributeur d’eau de prendre des mesures correctives prévues par un décret de 2001 (distribution d’eau en bouteille) et interdise l’épandage de produits phytosanitaires dans les périmètres de protection des captages d’eau potable alors que la pollution se poursuivait et que le risque pour la santé publique demeurait.
A l’instar de UFC-Que Choisir de l’Isère et de la FRAPNA, on ne peut que se féliciter des jugements rendus en pareille circonstance. Ce que l’on peut remarquer au passage c’est que les usagers ont pris toute leur responsabilité. Regroupés en association et se constituant partie civile, ils portent plainte directement contre l’Etat et le Syndicat des eaux de l’Isère. Une situation qui rappelle quelque peu celle des avocats et des associations de Guadeloupe mais qui tarde à voir le jour en Martinique. * Nous sommes donc loin des attitudes frileuses et hypocrites des conseillers généraux de Martinique qui portent plainte contre X au moment même où la population était en droit d’attendre d’eux un sursaut de dignité. Une plainte contre X qui risque de se retourner contre 12 d’entre eux puisque, en qualité de maires, ils (les 12 maires – conseillers généraux, signataires de cette fameuse motion) sont pénalement responsables de la qualité de l’eau desservie à la population et ils doivent assurer le contrôle du service délégué aux distributeurs d’eau. La décision du Tribunal d’Instance de Bourgoin-Jallieu est venue confirmer leur responsabilité en la matière. Mais, pourquoi ont-ils été si silencieux et inactifs une fois que la pollution au Chlordécone a été publiquement révélée ?
Maintenant que la contamination est avérée qu’attentent-ils pour se constituer partie civile et se démarquer de cet empoisonnement de la population ?
Ce qu’il faut espérer c’est que cette décision de l’Isère fasse jurisprudence et que les droits des consommateurs antillais soient également respectés. N’est-ce pas là une occasion rêvée pour les tribunaux de démontrer que la justice rendue aux Antilles n’est pas, comme certains se plaisent à le dire, une justice coloniale ?