Embargo

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Mieux comprendre le conflit CUBA - USA

L'excellent film sur le Che, actuellement à l'écran aux Antilles, est l'occasion de rappeler quelques points sur l'origine du bras de fer entre les deux voisins ennemies.

Un conflit plus que centenaire révélateur de l'attitude de l'Oncle Sam avec les pays de la Caraïbe. 


Finir la guerre de cent onze ans par Una Liutkus 


C’est depuis le 1er juillet 1898 que l’hostilité règne entre les deux nations. Contrairement aux idées reçues, Fidel Castro en assume seulement le dernier demi-siècle. Son frère Raul et le nouveau président américain Barack Obama sauront-ils lever la malédiction?

Raul Castro a déclaré plusieurs fois récemment qu’il était prêt à rencontrer Barack Obama n’importe quand et n’importe où… Ajoutant même: et pourquoi pas à Guantanamo? Le 21 janvier à l’issue d'une visite de la présidente de l’Argentine, il a même déclaré que le Président Obama était "un type bien" et qu'il lui souhaitait bonne chance tout en exprimant ses doutes sur sa capacité à changer un empire "à lui tout seul".

Fidel en a profité pour montrer qu’il était encore vivant en publiant une nouvelle "réflexion" après cinq semaines de silence: s’il ne doute absolument pas des nobles intentions d’Obama, il se demande s’il pourra agir. "Comment un système gaspilleur par excellence pourrait-il préserver l’environnement?"

Le Président Obama, lui, a déclaré de façon répétée pendant la campagne qu’il allait libéraliser les voyages vers Cuba… et qu’il était ouvert à l’idée de rencontrer sans conditions Raul Castro. Hillary Clinton ne semblait pas très ouverte envers le régime cubain, mais les récentes réponses de la secrétaire d'Etat d'Obama à la commission des Affaires étrangères du Sénat qui doit valider sa nomination expriment clairement la volonté du nouveau gouvernement de remettre à plat les relations des Etats-Unis avec Cuba.

Barack Obama peut à peu de frais, avoir le beau rôle dans un continent négligé par Bush en "libérant" Cuba de la tutelle centenaire de l’Oncle Sam.

Les insurgés cubains trahis par l'Oncle Sam

1878. Venue à l’aide des mambis, les insurgés cubains contre l’Espagne, une armée de 17 000 soldats américains débarquée quelque temps auparavant dans l’Oriente de Cuba se bat à leur coté. Le 1er juillet, le régiment des "rough riders" sous le commandement du lieutenant-colonel (et futur Président) Théodore Roosevelt prend d’assaut la colline de San Juan défendue par l’armée espagnole. C’est la victoire définitive.

Mais l’armée américaine entrée victorieuse à Santiago en interdit l’accès aux insurgés cubains dirigés par Maximo Gomez et négocie seule avec l’Espagne. Le traité de Paris signé le 10 décembre donne l’indépendance à Cuba mais sous le contrôle total des Etats-Unis. Etonnez-vous que depuis cent onze ans les dirigeants politiques cubains soient obsédés par cette trahison et n'aient eu de cesse de lutter pour ne pas devenir une étoile de plus sur le drapeau américain!

Les Etats-Unis n’avaient en fait jamais caché leur volonté d’absorber Cuba. En 1823 déjà, le Président Monroe avertissait les puissances européennes que l’Amérique devait être aux Américains… (c’est-à-dire "à nous…"). Son secrétaire d’Etat, John Quincy Adams développa la thèse du "fruit mur". Comme dans la loi de la gravité universelle, "de même qu’une pomme ne peut que tomber au sol, Cuba ne peut que rejoindre les Etats Unis"…

L’histoire livre les clés du présent… Après toute une série de soulèvements avortés des créoles cubains contre la couronne espagnole, en 1868 Carlos Manuel de Cespédès, un riche planteur cubain de la région orientale, avait libéré ses esclaves et déclenché la première guerre d’indépendance contre l’Espagne.

La guerre dure dix ans. Elle se termine en 1878 dans la confusion d’un pays en ruine, mais sera le creuset de la nation cubaine. Des investissements sont alors indispensables pour faire repartir une économie essentiellement sucrière. Plus d’esclaves? Il faut des machines! La culture de la canne à sucre devient une agro-industrie moderne financée par les Etats-Unis tout proches. En 1884, les trois quarts des centrales sucrières appartiennent à des Américains. 

Les tuniques bleues arrivent

En 1895, la guerre d’indépendance reprend. C’est une guerre cruelle: plus de 200 000 morts (le huitième de la population). Sous la pression des médias (Randolph Hearst disait "Fournissez les images, je fournirai la guerre") et intérêts économiques, le Congrès américain vote le 11 avril 1898 dans l’enthousiasme que Cuba doit être libre… et décide une intervention armée pour aider les insurgés cubains. L’Espagne ne peut que déclarer la guerre. Pour faire bonne mesure, les Etats-Unis interviennent en même temps dans le Pacifique, aux Philippines, dernière colonie espagnole en Asie.

Six mois après, le traité de Paris du 10 décembre 1898 consacre la défaite espagnole. Les Etats-Unis s’approprient les Philippines et Porto Rico. Et au passage, pour faire bonne mesure, des îles de Guam et d’Hawaï… 

La paix américaine

A Cuba, s’installe un gouvernement militaire d’occupation qui finit par accéder à accorder une Constitution à Cuba en 1901. L’amendement Platt (du nom de son rédacteur, un sénateur américain), inscrit dans le texte que les Etats-Unis ont le droit d’intervenir pour protéger les intérêts des citoyens américains et impose l’existence de bases militaires américaines. Le contrat de location perpétuelle (2 000 dollars par an non révisables) de la base de Guantanamo est signé en juillet 1903.

L’armée américaine intervient régulièrement à Cuba puis se succèdent des gouvernements dictatoriaux. C’est sur ce terreau de l’énorme frustration d’avoir été dépouillés de leur indépendance, si chèrement gagnée, que croît le sentiment anti-américain des générations successives de Cubains. Auteur d’une tentative de soulèvement manquée le 26 juillet 1954 à Santiago, suivi du débarquement en Oriente en décembre 1956, Fidel Castro et ses "barbudos" prennent le pouvoir le premier janvier 1959. 

Les barbudos au pouvoir

C’est un tournant dans la partie d’échecs qui oppose les deux pays depuis si longtemps! Fureur américaine! Après la nationalisation des intérêts américains en riposte au refus des Etats-Unis d’acheter le sucre cubain et de lui livrer du pétrole, et après l’échec de débarquement à la Baie des cochons en avril 1961 des mercenaires financés et appuyés par la CIA, Cuba s’enrôle dans le "camp socialiste".

La suite est connue. Ayant tout perdu à Cuba, les Etats-Unis mettent en place l’embargo le plus sévère possible du pays. Le pays passe peu à peu de l’enthousiasme folklorique du début à un système de résistance et de survie organisé autour de Fidel Castro. La disparition de l’URSS il y a dix-huit ans ne change rien et Castro est toujours là.

Année après année, les Etats-Unis renforcent leur embargo économique rendant la situation du pays dramatique. L’embargo s’applique même hors des Etats-Unis contre toute logique juridique. En janvier 2009, les super marchés Wal-Mart du Chili ne veulent pas vendre du rhum Havana Club, pourtant importé tout à fait normalement dans le pays.

Tout ce qui s’est passé à Cuba doit être observé sous cet éclairage de résistance aux pressions américaines quel que soit le coût social, humain ou économique.

Rebattre les cartes avec Obama

La longue partie d’échecs se terminera-t-elle par un nul honorable pour les deux adversaires? Il est incroyable que les Etats-Unis s’obstinent contre Cuba alors que dix-huit ans à peine après la guerre du Vietnam, ils avaient mis un terme à l'embargo contre ce pays, en 1994.

Au-delà des questions juridiques, certes complexes, sur les droits des anciens propriétaires américains et cubano-américains, une ouverture très rapide de relations normales entre les deux pays, dans le respect mutuel, est maintenant possible. La suite de l’histoire sera alors enfin entre les mains des Cubains.