La SARA s'enrichit sur notre dos
Les compagnies pétrolières y sont accusées de s'enrichir "sans cause" sur le dos des consommateurs. Le document met également en cause "le dispositif actuel de fixation des prix par les préfets".
Source : AFP
Une note établie pour secrétaire d'Etat à l'Outre-mer Yves Jégo sur la fixation des prix du carburant aux Antilles et en Guyane s'avère accablante pour les compagnies pétrolières, accusées de s'enrichir parfois "sans cause" sur le dos des consommateurs, a-t-on appris mercredi 11 février. Le document, rédigé par un membre d'une mission d'inspection interministérielle, met également en cause l'Etat : "Le dispositif actuel de fixation des prix par les préfets (...) prend l'eau de toutes parts". Créée en décembre dernier par Yves Jégo, la mission d'inspection est constituée de trois membres (Inspection générale des finances, Inspection générale de l'administration et Conseil général des mines). Elle s'est déjà rendue en Guyane et aux Antilles.
Selon le texte, dont l'AFP a obtenu une copie, "les services de l'Etat sont incapables de justifier la base de calculs" servant à la fixation, par les préfets, des prix du carburant en Guadeloupe, Martinique et Guyane. Les trois départements sont approvisionnés en carburants par la Société anonyme de raffinerie des Antilles (SARA), filiale de Total qui exerce un monopole de fait. Depuis sa fusion avec Fina et Elf, le groupe pétrolier exploite également près de la moitié des stations-services des trois DOM. D'après la note "le coût des approvisionnements n'est pas déterminé sur la base des approvisionnements réels" mais selon "une formule intangible", qui s'applique même si la raffinerie installée en Martinique "est arrêtée", comme en 2007. La marge de raffinage "de l'ordre de 85 millions d'euros par an", subit des "variations de plus de 15 % dans son évaluation entre deux documents successifs, sans justification", s'inquiète encore l'auteur du rapport.
Le coût du transport des produits finis vers la Guadeloupe et la Guyane, par des navires armés ou affrétés par la SARA, "n'est pas plus explicité".
La note relève également "un enrichissement sans cause des pétroliers (qui) n'a jamais été mis sur la table": "l'effet dit de dilatation". Autrement dit, selon l'auteur, le carburant est facturé aux stations-services sur un volume donné à la température de 18°, mais il leur est livré à une température ambiante autour de 30°, ce qui augmente son volume, et par conséquent son coût.
"Ce système profite largement à tous, sauf au consommateur et à l'Etat": "en particulier à la SARA" avec son "objectif de rentabilité annuelle de 12%", "aux pétroliers avec un taux de rentabilité de 15%, au moins pour Total" et aux détaillants.
Les gérants reçoivent ainsi "une belle indemnisation de 150.000 euros en cas de départ définitif, mais aussi un petit bonus (de 15 à 20.000 euros) à chaque reconduction de contrat".
Yves Jégo a reconnu sur la foi de cette note, dans la dernière édition du Journal du Dimanche, "un vrai problème de transparence et même un questionnement sur un enrichissement sans cause des compagnies pétrolières". Le secrétaire d'Etat a même menacer que "tout pourrait se terminer par une action judiciaire de l'Etat contre elles".